Au cours des 10 premières années du XXI° siècle, malgré une économie mondiale fortement chahutée par des déficits financiers, le nombre de luttes sociales avait tendance à diminuer. C’est dès le début 2010 que les pays d’extrème orient et d’Afrique du Nord, plongés dans un contexte de privation de liberté et de pauvereté, se révoltent les uns après les autres, parfois dans le sang, pour plus de justice sociale et une meilleure répartition des richesses. Les pays européens, d’abord simples observateurs de ces évènements, voient déjà apparaître dès 2010 des mouvements contre la faim (Grèce, Espagne).
En France, les syndicats, et la CGT en tête, réclament depuis de nombreuses années, une augmentation générale des salaires. Les travailleurs et travailleuses suivent timidement, car échaudés par des mouvements de 2010 comme celui contre l’allongement de l’âge de la retraite et de la durée de cotisation qui sont restés sans succès, devant un gouvernement plus autiste et aveugle que réformiste (c’est peu dire…).
Ce mois d’Octobre 2011 marque le début d’une série de mouvements sociaux dans l’exagone, et notamment dans la métallurgie, du fait de l’augmentation des cadences, de l’introduction de nouvelles méthodes de travail qui s’ajoutent aux abattements de zone (30% de différence par rapport aux salaires parisiens), alors que les prix du m² augmente, et alimentent le mécontentement de la classe ouvrière. Les grèves tournantes démarrent à partir d’octobre. Elles sont rapidement relayées par les usines Peugoet et après par les autres secteurs de l’économie, et en particulier le secteur tertiaire, et notamment les assurances et les banques où la moyenne d’âge est de plus en plus basse. Les jeunes, lassés de "galérer" dans la précarité, relèvent le defi que leurs parents ont laissé tombé, aveuglés et anesthésiés par les acquis sociaux déjà obtenus jusqu’après le milieu du XX° siècle (1968).
Au mois de novembre 2011, le conflit se durcit après que les personnels aient occupé spontanément les bureaux de la direction d’une usine de Gepville, séquestré le directeur et hissé le drapeau rouge sur le bâtiment. Le lendemain, 21 novembre, les métallurgistes de toutes les usines de Gepville se mettent en grève, attaquent les CRS qui occupent les locaux et obligent le maire et le préfet à les retirer de la ville.
Les syndicats refusent toutes les propositions patronales. Le 1er Décembre 2011, a force publique intervient contre les grèvistes qui brûlent les lettres individuelles que leur a envoyées la direction et qui mettent le feu aux bâtiments de la direction. Les directions prennent peur et accordent une augmentation de 17% quelques jours plus tard.
La victoire de Gepville a immédiatement des répercussions à Balbec, ville voisine avec laquelle existe une tradition de solidarité.
Le 17 Décembre 2011, les personnels font spontanément grève devant le siège des usines Peugoet où se tiennent des négociations avec les syndicats. Ils empêchent la direction de sortir, l’obligeant à céder de plus en plus : 100, puis 150, puis 200 puis 330 Euros d’augmentation nette par mois.
Les travailleurs et travailleuses envahissent l’immeuble aux cris de « Nous voulons 400 euros » et passent le mobilier et les papiers par les fenêtres. A 15 h 30, devant l’ampleur de la manifestation, les représentants de la classe dirigeante cèdent les 400 euros et sortent de la salle des séances en file indienne entre une haie injuriante ; ils trouvent leurs voitures avec les pneus crevés et doivent repartir à pied. Dans la soirée, les directions dénoncent l’accord acquis sous la “contrainte” ».
Le lendemain, 10 000 personnes descendent dans la rue et des échaufourées éclatent entre des élements incontrôlés et la police devant la préfecture où les représentant des syndicats sont en négociation. Une bombe artisanale blesse 27 CRS. Le jour suivant, un groupe attaque un journal local. L’après-midi, la prison (où des grévistes sont emprisonnés) et le Palais de justice font l’objet d’un rassemblement, alors qu’un autre groupe de manifestants reste devant la préfecture. Un manifestant est tué d’une balle tirée à bout portant par un CRS , et un autre est blessé.
Les syndicats encouragent les entreprises à suivre l’exemple de Gepville et Balbec : "à s’inspirer de l’exemple victorieux des métallurgistes de Gepville montrant la seule voie juste" et dénoncent les « provocateurs ». Mais le mouvement s’épuise dès le début 2012 : le travail reprend lentement, les directions font des propositions de plus en plus ridicules et licencient des plus combatifs. Le mouvement s’effrite jusqu’en septembre et, même s’il a des répercussions à la rentrée dans le textile, les mines, le bâtiment et la SNCF, il se termine par un échec. Cependant, la peur du gouvernement et du patronat que la lutte gréviste redémarre est telle qu’ils décident d’accorder la Sixième semaine de congés payés le 15 septembre 2012. C’est l’accord "Peugoet".
Cet accord garantit une augmentation annuelle des salaires de 4% en fonction des progrès techniques, une sixième semaine de congés payés, la semaine de 32 heures sans réduction de salaires, la retraite à 60 ans avec 35 années de cotisation, la réintégration dans le salaire fixe des éléments non soumis à cotisation (intéressement participation, perco…), avec prise en charge des cotisations par l’employeur. Mais les syndicats s’engagent, pour une durée de deux ans, à ne recourir à la grève qu’après avoir épuisé toutes les autres solutions. Engagement qui n’est pas tenu, puisque 6 mois plus tard, une grève de trois heures est déclenchée sans préavis à Foncombe (ELF), à l’appel de tous les syndicats.
Les grèves de 2011-2012 sont suivies par un renforcement de l’audience des syndicats. Le nombre d’adhésions explose, et ceux-ci, vrais acteurs et actrices dans le rapport de force Entreprise/Personnel, n’ont plus besoin de recourir à la grève, tellement le patronat craint le renouvellement de ces mouvements. Les années 2013-2020 sont le théatre d’avancées sociales sans précédent qui s’étendent dans le monde entier et touchent l’économie mondiale, qui abandonne progressivement le capitalisme financier, avec des mesures concrètes : Salaires des dirigeants plafonné à 3 fois le plus bas salaire, résorption du chômage, avancées technologiques au profit du travail humain, et non plus au profit financier, minimum social (en termes de logement, de nourriture, d’éducation, de santé, etc.)
Vous l’avez compris, ce récit n’est que du "Syndicalisme fiction".
Pourtant, les fait relatés et la chronologie s’inspirent largement du mouvement social de 1953-1955 qui a eu lieu aux chantiers navals de St Nazaire et Nantes (et non Gepville, Balbec et Foncombe [1]), qui ont donné lieu à l’accord Renault (et non Peugoet), qui a instauré la 3° semaine de congés payés, le paiement des indemnités journalières en cas de maladie, la retraite complémentaire pour les ouvriers, les congés familiaux pour les décès, les mariages, les départs en retraite, et la mise en place d’un fond de chômage alimenté par les seules cotisations patronales, et les congés d’ancienneté.
Les acquis sociaux qui nous semblent évidents aujourd’hui (comme les avancées de l’accord Renault) ne sont pas arrivés dans le code du travail comme l’air qu’on respire ou l’eau qu’on boit. Elles n’étaient pas sur terre dans un jardin d’Eden.
Cela a été l’œuvre de luttes, parfois sanglantes de nos parents, qui risquaient leur emploi, et parfois leur vie, pour les obtenir.
Cela a été l’œuvre aussi du Conseil National de la Résistance, qui rappelons-le, au sortir de la guerre, a voulu construire une société plus juste, plus humaine, après ce vent de folie nazie. Les Délégués du Personnel et les Congés payés (2 millions de travailleurs en grève en mai 1936), pour 2 semaines, puis 3 en 1956 (accord Renault relaté ci-dessus, suite aux grèves des chantiers navals de Nantes et St Nazaire) puis 4 semaines en 1968 (10 millions de salariés en grève), puis 5 semaines en 1982 (programme commun de la gauche), le régime de protection sociale, les régimes de retraites par répartition, les Comités d’Entreprise (Programme national de la résistance en 1945 – 1946), le SMIC (Grève de 10 millions de salarié-e-s en mai 1968), la semaine de 40h, puis 39h, puis 35h (grèves du Front populaire, puis élection présidentielle du Pari Socialiste en mai 1981), sont quelques exemples d’avancées sociales arrachées au patronat. Elles ne sont pas tombées du ciel par hasard et encore moins « accordées généreusement », dans un élan d’humanisme de la classe dirigeante.
Si elles sont mises à mal aujourd’hui par une classe qui espère détricoter ces acquis c’est en jouant sur le laxisme des travailleurs et travailleuses françaises.
Enfin, tant qu’ils ne se sont pas réveillés…
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