Le Collectif national des Syndicats CGT du Crédit Agricole a envoyé une lettre aux administrateurs (CL et CR), pour les sensibiliser sur leurs responsabilités d’élus dans la gestion des comptes des sociétaires et clients du CA.
Paris, le 27 Mars 2013
Madame, Monsieur, Administrateurs de Caisses Locales, de Caisses Régionales,
Nous souhaitons que vous puissiez mesurer, avant l’Assemblée Générale de votre Caisse Régionale si elle n’a pas encore eu lieu, toute la confiance que vous ont accordée les sociétaires clients du Crédit Agricole en vous élisant Administrateur responsable.
Les fondements du mouvement coopératif mutuel sont essentiels :
Il nous semble opportun, au préalable, de nous permettre de vous rappeler quelles sont les motivations qui ont contraint nos aïeux, à la fin du 19ème siècle, à choisir le mode de gestion coopératif mutuel qui n’est ni un modèle socialiste et encore moins capitaliste et qui a permis le développement, en ce qui nous concerne, de l’agriculture et pour d’autres de l’artisanat, de l’associatif…
Enfin comme vous le savez des nombreuses catégories professionnelles que les banques privées - qualifiées de trois vieilles (société Générale, Crédit Lyonnais et Banque Nationale de Paris) - refusaient de financer parce qu’elles les considéraient trop risquées et non rentables pour le grand capital, pour leurs actionnaires.
Les valeurs portées par le courant mutualiste, sont les valeurs de solidarité, de proximité, de démocratie, de liberté et de responsabilité, égalité sous la forme d’a-capitalisme.
Ces valeurs constituent les fondements originels du mouvement mutualiste dont est issu le Crédit Agricole avec pour principe démocratique « un homme, une voix ». Cent trente ans après les banques mutualistes portent les mêmes valeurs, elles n’ont pas tout à fait la même signification, ni la même importance aujourd’hui qu’au début.
La responsabilité reste la valeur la plus importante du mutualisme aujourd’hui. Les Entreprises, les Conseils d’Administration doivent rendre des comptes AUX Administrateurs que vous êtes et à la Société quant à leur conduite dans les affaires.
Ainsi être responsable aujourd’hui signifie accepter les conséquences de ses actes pour les autres et pour soi-même. Les administrateurs, élus par les sociétaires lors des assemblées générales, sont responsables des décisions qu’ils prennent et de leurs conséquences dans le cadre d’un double contrat.
Tout d’abord, un contrat démocratique à l’égard des sociétaires - les administrateurs étant les représentants légaux de ces derniers - puis un contrat d’animation des structures de base qui portent le capital des Caisses régionales, leur donnant ainsi les moyens d’une réelle appartenance à l’Entreprise.
Les salariés, quant à eux, qu’ils soient Dirigeants, Cadres, Techniciens ou Agents, ont aussi une responsabilité vis-à-vis de l’entreprise et de ses sociétaires, dans l’exercice de la politique commerciale qui doit être menée en accord avec les valeurs fondamentales. Enfin, une autre responsabilité est portée par les structures, elles-mêmes engagées, au niveau local pour les Caisses Locales ou au niveau régional pour les Caisses Régionales, par leur développement économique et leur solidité financière auprès de l’économie locale/régionale.
La solidarité, définie juridiquement par des groupements de personnes et économiquement par des biens collectifs, donnent aux entreprises mutualistes la vocation de réaliser des engagements réciproques et équilibrés entre leurs membres à des fins économiques et/ou sociales.
La solidarité représente d’ailleurs la seconde valeur clé du mutualisme. En effet, le réflexe mutualiste répond à un besoin primordial, celui de s’associer face aux risques de l’existence qui dépassent les possibilités d’une protection individuelle. Le principe de solidarité exprime donc la volonté de régler les situations individuelles par l’action collective.
Cette logique d’entraide collective, qui fonde les premiers mouvements mutualistes, inscrit la valeur de solidarité dans leurs gènes. C’est traditionnellement une valeur de survie, mais c’est aussi une façon d’optimiser les facteurs disponibles de production. Cette solidarité s’exprime tout d’abord au niveau du territoire, chaque Caisse régionale œuvrant sur un territoire bien défini et inextensible.
Ainsi, la dynamique des Caisses étant étroitement dépendante de la vitalité de leur territoire, leur implication dans le développement local contribue alors au développement de leur propre marché. Il existe également une solidarité entre les Caisses locales et régionales que l’on peut qualifier d’institutionnelle.
En effet, bien qu’indépendantes les unes des autres, elles sont solidaires entre-elles par une recherche de l’unité. Les banques mutualistes vont ainsi chercher des solutions favorables à tous lorsqu’un secteur ou une filière est touché par la conjoncture, par des évolutions structurelles ou par des calamités.
Cette solidarité économique s’exprime alors par le soutien d’initiatives louables dans l’intérêt de la région (comme la création d’entreprises, d’emplois), l’idée étant de mettre leur puissance économique au service d’un projet social.
Enfin, la solidarité est aussi présente vis-à-vis des membres, lorsque des sociétaires ou des clients traversent une phase délicate de leur vie, afin de les aider à la surmonter (Facturations, taux adaptés..). Elle est d’autant plus légitime qu’elle s’adresse à des clients anciens et fidèles.
La démocratie est un des fondement des entreprises mutualistes qui fonctionnent en application du principe très connu « 1 homme, 1 voix ». C’est le cas des banques coopératives en France qui appartiennent à leurs sociétaires, qui sont également clients de l’entreprise, tous les clients n’ayant pas forcément le statut de sociétaire. Le sociétaire bénéficie donc d’un double statut lui permettant, en outre, d’élire ses représentants lors de l’assemblée générale de sa Caisse Locale. Ainsi, les élus aux plans locaux, régionaux et nationaux sont chargés de veiller à la bonne gestion des groupements mutualistes et à la prise en compte des aspirations des sociétaires qu’ils représentent.
La décentralisation fait que tout pouvoir dérive d’une base locale, territoriale qui favorise, de fait, la représentativité géographique, sociale et professionnelle des mandataires. Ainsi, la démocratie place le sociétaire comme finalité de l’activité et non comme moyen d’obtenir des encaissements. Notons également que, le Mutualisme considérant la démocratie comme indissociable du bénévolat, les décideurs élus sont normalement bénévoles.
L’organisation en pyramide inversée confère alors aux Caisses, la force et la stabilité qu’on leur connaissait jusqu’à il y a vingt ans, leur permettant d’être compétitives face aux banques SA, tout en conservant leur ancrage régional et local, affirmant ainsi leur force mutualiste.
Le caractère a-capitaliste de l’entreprise ne doit pas être interprété comme incompatible avec la possibilité de dégager un excédent, mais plutôt comme une limite à l’appropriation privée de ces résultats. De fait, la valeur a-capitaliste portée discrètement par l’entreprise s’explique, pour les banques coopératives, par la constitution de réserves après distribution des intérêts de parts sociales. Théoriquement cette valeur recherche la satisfaction du sociétaire, assure la solidité du système mais s’oppose à toute recherche irraisonnable de profit en respectant ses valeurs de solidarité et en ne travaillant qu’à entretenir des dynamiques locales favorables.
La transformation des réseaux coopératifs en groupes coopératifs a entrainé une centralisation des pouvoirs et donc une diminution des pouvoirs de la base, c’est à dire des sociétaires : les groupes coopératifs ressemblant de plus en plus dans leur organisation aux groupes bancaires SA.
Or l’organisation décentralisée du réseau est un élément fondateur du mutualisme. En effet, une telle décentralisation des pouvoirs permet une meilleure adaptation au marché, du fait d’une meilleure connaissance de celui-ci, ainsi que des délais plus court dans les prises de décision, permettant de satisfaire les clients-sociétaires. Ainsi, plus une organisation est décentralisée, plus elle est capable de satisfaire ses clients par une offre adaptée et une rapidité dans ses prises de décisions et donc dans l’exécution de ses services (accord de prêt).
De plus, en centralisant le pouvoir, les organisations ont aussi voulu réaliser des économies d’échelles, réduisant ainsi les coûts de production. En conséquences, plus une organisation est centralisée, plus elle réalise des économies d’échelles, plus elle réduit ses coûts, principalement salariaux et théoriquement affiché, ce qui devrait permettre d’offrir à ses clients des produits à un meilleur prix, comme le prévoit l’article Ier de la loi portant statut de la coopération.
Le contexte économique actuel est propice au retour et respect des valeurs mutualistes.
Nous l’avons vu, la prise de conscience par la société des effets de la mondialisation, couplé aux scandales financiers de ces dernières années ont contribué à la perte de confiance de la société envers les entreprises, notamment multinationales.
Le Crédit Agricole, depuis la mal désignée « mutualisation » - alors qu’il s’agissait à dire vrai d’une privatisation (1ere étape) - de la Caisse Nationale avec l’accord des Conseils d’Administration des Caisses Régionales, a adopté une structure hybride en 2001 avec la transformation de la CNCA en Crédit Agricole SA (CASA) et son introduction en bourse, en décembre de la même année, afin de faciliter son expansion en ayant accès aux ressources des marchés financiers. Cette structure, ni vraiment capitaliste, ni vraiment mutualiste, a malheureusement permis au Groupe de bénéficier des « avantages » des entreprises cotées (accès à de nombreuses ressources), tout en conservant les avantages des structures mutualistes, notamment leur caractère inopéable. (système hybride)
C’est ainsi que le Groupe a fait l’acquisition de SOFOINCO, FINAREF et du Crédit Lyonnais en 2003, et a pu assurer son développement dans la banque de détail à l’international en acquérant, notamment, EMPORIKI Bank en Grèce, CARIPARMA, FriulAdria et 202 agences Banca INTESA en Italie en 2006.
Dynamique selon lui, dynamite selon nous, le Groupe n’a de cesse d’évoluer, avec en 2008 la création de nombreuses filiales comme Eurofactor en Italie ou encore Crédit Agricole Asset Management en Australie et en Arabie Saoudite.
Seulement, ces dix dernières années ont occasionné 27 milliards de pertes cumulées dont 21 milliards en seulement 5 ans avec les SUBPRIMES et EMPORIKI.
A ce jour, il reste encore 14 milliards d’écarts d’acquisitions non dépréciés, sans compter l’assurance, les dettes souveraines, l’Italie………….. !
Combien encore CA SA va-t-il avec votre accord, détourner aux Caisses Régionales, mais que nous restera-t-il ?
Déficit de liquidité, transfert des activités, mise en place d’un système informatique unique, regroupement des sites, et après ?
Regroupement des agences cantonales en arrondissement ou suppression pure et simple au profit de la banque virtuelle ?
Que reste-t-il des fonds propres issus d’années de travail des salariés et de confiance des clients ?
Réagissez, demander des comptes, sanctionnez ! Reprenez le pouvoir que vous avaient confié les sociétaires !
Combien de temps encore allez-vous vous laisser diriger par CA SA, par SAS La Boétie, par le grand capital qui assouvit son ambition en s’appropriant et en ruinant le coopératif mutuel pour satisfaire les actionnaires, et cela avec la complicité du Président et du Conseil d’Administration de la Caisse Régionale, toujours favorables aux sollicitations et pas sans contrepartie.
A votre avis, et vous en conviendrez, ils méritent une sanction à commencer par une auto sanction en démissionnant, en abandonnant leurs avantages financiers en cours. Ensuite les poursuites juridiques incomberont aux sociétaires ou à leurs représentants élus dans le prochain conseil d’Administration.
Mais avant de partir, nous pensons aussi que, de bonne foi, ils ont pu être parfois abusés par des Directions sous la responsabilité d’un Directeur choisi par eux-mêmes. Ces derniers, comme tout salarié, méritent alors d’être convoqués lors d’un entretien préalable à un conseil de discipline et d’être licenciés pour fautes graves sans indemnité.
De plus il nous semble urgent que vous stoppiez immédiatement toutes les transactions ou décisions en cours à ce jour, susceptibles de produire les mêmes effets, ainsi que tous les projets qui menacent dangereusement notre belle entreprise à perdre sa substance, son autonomie, ses clients, ses salariés et peut être à mourir bien loin de son objet originel. Le sort de La Caisse Régionale de notre territoire, celui du coopératif Mutuel, sont entre vos mains !
Il faut, selon nous syndicat CGT, mener rapidement une expertise précise pour mesurer les conséquences des projets successifs menés depuis les fusions et envisager un plan d’actions soumis aux sociétaires pour rétablir l’exercice de notre métier de banquier de proximité selon les valeurs coopératives mutuelles.
Vous trouverez ci-dessous quelques pistes issues de nos réflexions qui s’inscrivent dans la droite ligne de l’esprit mutualiste.
Pour la CGT du Crédit Agricole, le retrait boursier doit s’effectuer sans indemnisation des actionnaires à l’exception, peut-être, des salariés avec une limite au PMA (prix moyen d’achat), et seulement pour les souscriptions « contraintes » dans le cadre du Plan Epargne Entreprise (intéressement et RSP) avec un plafond à déterminer. C’est une manière de rejeter toutes formes de « spéculations contraires à l’esprit mutualiste » issues de souscriptions volontaires et rémunérations des Cadres Dirigeants hors Convention Collective des Caisses et filiales (1ere sanction-sanction financière).
Ensuite il faut Renationaliser l’organe Central inscrit dans un pôle Public Bancaire et transformer les statuts des filiales de la CNCA et des Caisses Régionales en statut coopératif avec pour mission d’exercer leurs activités dans un cadre économique, social et moral, loin des marchés financiers, et sous contrôle continu des sociétaires, clients-usagers et salariés. (Prédica, Pacifica, CA-CIB, LCL, CA-IMMO……).
Sans en détailler les principes, le rôle du banquier coopératif sur son territoire est de collecter et prêter, d’aider et soutenir les entreprises, les agriculteurs, les professionnels et particuliers. L’utilisation de l’épargne doit être traçable sur des territoires inextensibles (Caisse Régionale), les crédits bonifiés ou malussés selon qu’ils participent aux financements de créations ou suppressions d’emplois, la marge d’intermédiation doit retrouvée toute sa place dans la constitution du PNB. Les facturations quant à elles ne sauraient se justifier que pour un service réel rendu à la demande du client et non subies pour impayés.
Il ne s’agit pas pour nous d’établir ici le cahier revendicatif dans son ensemble, mais nous souhaitons néanmoins vous faire part des conséquences, pour les salariés, de cette dérive capitaliste de ces dernières années :
Salaires inférieurs de 12 % à la moyenne des autres établissements bancaires
Surcharge de travail continue avec la disparition progressive d’emplois entrainant ainsi la dégradation des conditions de travail et de vie, l’augmentation des maladies psycho-sociales avec un coût supplémentaire pour la collectivité au travers la MSA, quand elles ne conduisent pas tragiquement au suicide
Mise en place de rémunérations sur objectif et accroissement continuel de ces derniers conduisant bien davantage à des actions commerciales qu’à de réels services de conseil en phase avec les attentes et les besoins des client-usagers.
Espérant ne pas avoir abusé de votre temps en vain, nous voulions simplement vous alerter et vous rappeler qu’en votre qualité de Sociétaire, d’Administrateur vous détenez du pouvoir et vous pouvez encore faire changer le cours de l’histoire du Crédit Agricole et par extension celle du Coopératif Mutuel A- capitaliste.
Merci de votre écoute active, dans l’attente d’une réaction de votre part, recevez Madame, Monsieur, l’expression de nos sentiments respectueux.
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