Porté par un mouvement populaire puissant, le projet de Sécurité sociale né du programme du Conseil national de la Résistance prend forme grâce au travail acharné d’Ambroise CROIZAT, ministre des travailleurs.
A l’assemblée nationale, il annonce la mise en chantier de son projet le 2 décembre 1945 :
"Le nouveau systeme de securité sociale que nous établissons des aujourd’hui est à prendre dans son sens le plus large qui dépasse la simple protection sociale de santé ou de maladie.
Notre ambition est désormais, par le nouveau systeme, de mettre toute la vie de l’individu en "sécurité sociale".
Desormais nous sécuriserons toute la vie de l’individu de la naissance au décès.
Ainsi sont prévus pour une enfance digne un doublement des allocations familliales, la création d’une prime prenatale, d’une allocation de salaire unique, du doublement du congé grossesse.
Pour l’adolescence nous prévoirons outre la securité sociale les lois sur l’apprentissage professionnel.
Pour l’entrée au travail seront améliorées les conventions collectives doublées d’une prévention dans l’entreprise avec reconnaissance des maladies professionnelles, la loi sur les heures supplémentaires, la création d’une caisse d’intempérie du bâtiment qui n’existait pas .
Enfin comme une enfance digne ne va pas sans une viellese heureuse et pour une retraite qui ne soit pas l’antichambre de la mort mais une nouvelle étape de la vie, nous attribuerons une allocation importante à tous les vieux travailleurs".
Devant une assemblée de militants CGT le 15 janvier 1946, il ouvre le chantier en ces termes :
« Désormais, nous mettrons l’homme à l’abri du besoin. La tâche qui vous incombe est immense, car la Sécurité sociale n’est pas qu’une affaire de lois et de décrets. Elle naîtra de vos mains. Tout dépendra de vous ! »
Les mots ont l’audace d’un véritable pari.
Dans un pays où la majorité des habitants ne bénéficient que d’une protection sociale limitée, il s’agira de transformer ce qui n’était qu’un simple mécanisme d’assurance inégalitaire en un droit universel, solidaire et obligatoire couvrant l’ensemble de la population. Il s’agit de garantir tous les risques sociaux : maternité, maladie, vieillesse, accident du travail. Outre l’unicité, la charpente du nouveau système repose sur deux grands principes : la solidarité et la démocratie.
Ce dernier, inscrit dans l’ordonnance du 4 octobre 1945, sera plus tard réitéré par Ambroise Croizat :
« Jamais nous ne garantirons le droit à la santé pour tous si l’institution n’est pas gérée par les intéressés. Désormais, les conseils d’administration des caisses seront dirigés ainsi : 3/4 des sièges aux salariés, 1/4 aux patrons… »
Roger Petit, président de la caisse primaire de Savoie, raconte :
« Le bâti des caisses s’est fait dans un enthousiasme indescriptible, . Nous allions en finir avec la peur de la maladie et c’est nous-mêmes qui allions prendre en main cette fabuleuse conquête ! »
Jolfred Fregonara, secrétaire du conseil d’administration de la caisse de Haute-Savoie, ajoute :
« Il fallait bien cet enthousiasme pour porter l’ampleur de la tâche, Tout était à créer. Il fallait voir les gars, essentiellement des copains de la CGT, comment ils bossaient. Construire une à une les caisses parfois même de nos mains, sur nos congés ou après notre temps de travail. Certains montaient de simples baraques en planches, d’autres aménageaient un wagon en accueil pour installer des correspondants et recevoir les assurés. »
De multiples résistances vont se faire jour pour tenter de retarder l’œuvre des bâtisseurs : contre-projets de la droite, opposition d’un patronat paniqué par le pouvoir ouvrier. Mais Ambroise Croizat n’a cure de ces oppositions. Soutenu par le rapport de forces de la Libération (29 % des voix au PCF, 5 millions d’adhérents à la CGT, une classe ouvrière grandie par sa résistance et un patronat déconsidéré par sa collaboration), il impose la loi du 22 mai 1946 qui pose le principe de la généralisation de la Sécurité sociale intégrant « tout résident français dans un régime unique ».
L’article 29 vient toutefois limiter la portée de la loi en spécifiant que les professions déjà organisées pourront « provisoirement » garder leurs réglementations autour de leurs propres caisses le temps de construire le régime général et de « tout aligner vers le haut ».
Pourtant, dans le contexte difficile de l’année 1947 avec la remobilisation patronale et de la droite, la pression américaine et l’éviction des ministres communistes, ce qui n’était que provisoire va devenir définitif. La promulgation de la loi Morice du 4 mars 1947, qui autorise la mutualité à gérer le régime obligatoire de la protection sociale, met fin à l’ambition de créer un régime unique, qui ne verra jamais le jour.
Ambroise Croizat est exclu du gouvernement le 5 mai 1947 comme les autres ministres communistes. Il continue alors son action de syndicaliste et de député jusqu’en 1951, moment de son décès.
Jusqu’à la fin, il défend la Sécurité Sociale et en 1950 à la tribune de l’assemblée il déclare :
« Jamais, nous ne tolérerons qu’un seul des avantages de la sécurité sociale ne soit rogné. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie cette loi humaine et de progrès ».
Ce combat, nous nous devons de le mener plus que jamais !
La mobilisation contre la loi El Khomri y participe :
Ensemble mobilisons-nous le 26 Mai 2016
Commentaires