Inversion de la hiérarchie des normes grâce à la primauté des accords d’Entreprise sur la Loi
Entamée par les lois Macron 1, Rebsamen et El Khomri, cette inversion est étendue à tous les domaines sauf ceux où priment encore un peu les conventions collectives (Egalité F/H, salaires minimums, qualifications … !).
La loi, qui devrait être le socle commun du droit, ne serait plus contraignante dès qu’un « accord » serait trouvé dans une entreprise… ou que le patron aurait réussi à faire valider, par un « référendum », son projet : tu votes pour, ou t’es viré… cruel dilemme !!
Jusqu’à présent, la loi pouvait être amendée seulement en l’améliorant par un accord de branche, améliorable lui-même par un accord d’entreprise… désormais, les accords de branche et d’entreprise pourraient être moins-disant, et s’imposeraient aux salarié.e.s.
Le Code du Travail est trop compliqué ? Qu’à cela ne tienne, le gouvernement en propose un par entreprise !! Comme si on avait un code de la route par rue !! Et il nous parle de simplification ?…
Cette même démarche s’applique aux conventions collectives qui jusqu’ici apportaient des dispositions meilleures que la loi : un accord d’entreprise pourrait abaisser maintenant dans l’entreprise les dispositions de la convention collective.
Par exemple, une convention collective prévoit qu’un 13eme mois est versé à tous les salariés de la branche. Toutes les entreprises de cette branche doivent aujourd’hui appliquer la convention collective en versant un 13eme mois. Demain, une de ces entreprises pourrait négocier un accord d’entreprise qui supprimerait, pour 5 ans, le 13eme mois, au prétexte de surmonter des difficultés ou en contre-partie d’une prime de soutien à la garde d’enfants (y compris si la prime est inférieure au 13eme mois et ne concerne pas tous les salariés).
Le même principe pourrait s’appliquer au maintien du salaire en cas d’arrêt maladie (la prise en charge par la Sécurité Sociale s’effectue après 3 jours de carence et l’indemnité n’est pas de 100% du salaire), aux congés spécifiques etc etc …
Salaire à la baisse
Actuellement, les salaires ne peuvent être négociés qu’à la hausse.
Ils pourraient, avec la nouvelle loi, être négociés à la baisse. De même, l’employeur pourrait définir des horaires de nuit à sa guise….
Bien sûr, le seul but est de ne plus payer les majorations de salaire liées à ces horaires. Cette mesure n’est pas là pour diminuer le chômage mais bel et bien pour augmenter les bénéfices !
Sans doute pensez-vous que tout cela est bien possible mais qu’il faut un accord et pour cela il faut qu’une ou des organisations syndicales signe(nt) le fameux accord !
Mais c’est sans compter sur …
Le Référendum à l’initiative du patron
La loi El Khomri a introduit le référendum à l’initiative des syndicats signataires d’un accord non majoritaire…
Ce droit serait maintenant offert à l’employeur…
Mais un vote obtenu sous la contrainte ou la menace ou la crainte ne saurait être loyal et démocratique.
Pour exemple les référendums déjà organisés dans certaines enseignes pour imposer le travail du dimanche… ou pour accepter des baisses de salaires sous la menace de fermeture de site, qui souvent ferme malgré tout.
Chez GM&S dernièrement : les salarié.e.s, après avoir tout accepté pour sauver leurs emplois finissent par tout perdre quand même ! Et ils ont cependant généré des records de dividendes pour leurs actionnaires !
Fin du CDI - Contrat de chantier : Travail à la tâche pour toutes et tous !
Aujourd’hui autorisé dans très peu de secteurs d’activité (BTP, Ingénierie), le CDI de projet serait généralisé. Une mission se termine ? Une baisse d’activité ? Allez, un tour au chômage ! Tous intérimaires !
Et n’allez pas croire que cela ne concernerait que les nouvelles embauches, votre bon vieux contrat de travail CDI pourrait être remplacé par un contrat de mission sans que vous puissiez vous y opposer (sauf à partir).
Une réorganisation de l’entreprise et votre nouvel emploi proposé pourra être porté par un contrat de mission. Votre mission pourra être d’apprendre votre métier à l’entreprise vers laquelle votre activité est externalisée.
Fin de la mission, fin du contrat qui n’est pas un CDD donc pas de prime de précarité, pas de licenciement ! Bonjour chômage où 2 offres "raisonnables" vous seront faites … après ce sera le chômage non indemnisé !
Mais soyez rassuré, avec une si belle flexibilité, il sera devenu plus facile de retrouver un … une nouvelle mission !
Et si vous n’avez pas de chance, il y a le CDD nouvelle formule !
CDD renouvelable … à l’infini
Jusqu’à présent la loi interdit le renouvellement d’un CDD plus de deux fois, et fixe le taux de la prime de précarité à 10% pour tous.
La nouvelle loi autoriserait à appliquer des règles propres à chaque branche (et certains syndicats refusent de voir là un recul !!).
Ceci entraînera une explosion de la précarité : le recours au CDD est déjà très, voire trop, important.
Macron impose ainsi les modèles anglo-saxon et allemand qui transforment les privé.e.s d’emploi en travailleur.se.s pauvres.
Chaque branche déciderait de la durée maximum du CDD et du nombre de renouvellement possible. Ainsi les salariés en CDD resteraient plus longtemps dans la situation difficile de travailleurs précaires qui n’ont pas accès au logement, ni au crédit leur permettant de s’équiper. Le gouvernement fait d’ailleurs référence à des contrats de location courts, adossés au contrat de travail, ainsi non seulement le travailleur redoute de perdre son emploi mais il est aussi certain de perdre son logement.
Mieux encore que le licenciement économique : la rupture conventionnelle collective !
Lorsqu’un employeur décide de licencier en nombre, il doit à partir de 10 licenciements dans le mois mettre en place un PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi) qui l’oblige à respecter des règles pour déterminer les salariés prioritaires au reclassement et ceux condamnés au licenciement (ce n’est pas la tête du salarié qui oriente le choix). Il doit leur octroyer un dédommagement facilitant leur reconversion.
Les ordonnances revoient à la baisse ces garanties mais mieux encore elles ouvrent la possibilité de départ collectif à l’initiative des salariés !!
Voilà une belle manière de limiter le nombre de licenciements : les départs volontaires, moins stigmatisant parait-il mais surtout sans protection et sans dédommagement !
Et pour les employeurs qui n’auraient pas assez de possibilités de rompre les contrats de travail, il y a aussi …
Le Plafonnement des réparations pour Licenciement Abusif
Retiré de la loi El Khomri grâce à la mobilisation, il revient par la fenêtre !!
En cas de licenciement illégal, le juge décide aujourd’hui du montant des indemnités en relation avec le préjudice.
Les ordonnances fixent des indemnités plafonnées, un prix unique pour se débarrasser des salarié.e.s en dehors de tout cadre légal.
Les ordonnances fixent ces indemnités prudhommales à 1 mois par année d’ancienneté, plafonnées à 20 mois ! (Pour certaines entreprises c’est moins que le licenciement économique !!)
Rupture à la carte, le monde du travail enfin libéré !! … Enfin l’employeur est libéré, le salarié lui est seulement moins protégé !
DUP (dupe ?)
De quoi s’agit-il ? La Délégation Unique du Personnel.
Vous pourriez penser que cela ne vous concerne guère. Pourtant vos droits, votre qualité de vie au travail en dépendent.
Ces ordonnances imposent la fusion des institutions représentatives du personnel (déjà rendue possible par la loi El Khomri sous réserve d’un accord négocié) en une Délégation Unique du Personnel (DUP) … et avec le pouvoir de négocier.
En regroupant des missions aussi différentes que CE (l’économique), DP (le légal), CHSCT (la santé-sécurité) et DS (le social) sur les mêmes personnes, c’est un travail d’IRP à temps plein qui est imposé : un travail de moindre qualité, où l’économique prendra le pas sur tout le reste !
On empêche par là l’élu d’exercer toutes ses missions, on l’éloigne des salarié.e.s qu’il représente … au prétexte d’améliorer la démocratie dans l’entreprise (sic !)…
No Comment …. sauf que cela entraîne aussi …
La Disparition des CHSCT
… Le CHSCT sera notamment noyé dans cette instance fourre-tout (la DUP) : il disparaît tout simplement car ses prérogatives ne sont pas entièrement transférées à la DUP. Une action en justice pour faire valoir des problèmes de conditions de travail sera ainsi à la charge du CE, et non plus de l’employeur…
Pas de petites économies !!
Conclusion
On comprend mieux que Mr Gattaz puisse dire : "Tout est bon pour l’entreprise dans cette loi".
Ce ne sont ces mesures qui vont remplir les carnets de commandes des entreprises, bien au contraire. Avec des contrats précaires et des salaires moindres, l’économie n’est pas prête de rebondir donc ce ne sont pas ces mesures qui vont créer les emplois que nous espérons.
Les discussions de salon on déjà eut lieu et voilà à quoi elles conduisent : il est donc urgent d’exprimer notre refus de subir de tels reculs.
Par la mobilisation massive, le 12 septembre exprimons notre refus de ces ordonnances.
La CGT a communiqué au gouvernement 17 pages de propositions et un code du Travail allégé et simplifié : par notre mobilisation poussons d’autres solutions !
Commentaires