La liberté syndicale est protégée. Les tentatives patronales pour utiliser la loi du 20 août 2008 comme barrière à l’implantation syndicale sont rejetées.
Depuis la promulgation de la loi du 20 août 2008, nous assistons à une explosion de contentieux, la plupart d’origine patronale, visant à utiliser cette loi pour y trouver de nouveaux moyens d’entrave à l’implantation syndicale ou remettre en cause d’anciennes jurisprudences.
Ces tentatives s’appuient sur les lacunes et les obscurités d’une loi qui était pourtant censée traduire la position commune du 9 avril 2008, signée par la CGT en raison des avancées démocratiques qu’elle contenait !
La Cour de cassation a donc été rapidement saisie de pourvois portant sur d’importantes questions de principe, et vient de rendre quatre décisions (Cass. soc. 8 juillet 2009, n° 09-60031, 09-60048, 08- 60599, 09-60015) qui portent un sévère coup d’arrêt à l’acharnement judiciaire patronal. L’un d’eux, concernant l’entreprise Okaïdi, constitue une avancée considérable pour la protection de la liberté syndicale. On notera que sur la plupart des points en débat, la Cour de cassation valide les interprétations et l’argumentation que nous avions défendues (voir les numéros 24, 25 et 26 du Droit en liberté, ainsi que les fiches argumentaires publiées sur le blog du Collectif DLAJ).
Voici les principales questions traitées par ces arrêts.
1. La période transitoire
La loi a prévu une période transitoire pour l’application à l’entreprise des nouvelles règles concernant la représentativité et le mandat des délégués syndicaux : celles-ci n’entrent en vigueur qu’après le premier tour de la première élection professionnelle entièrement organisée après le 20 août 2008.
Jusqu’à cette date, les organisations affiliées à une confédération représentative au plan national sont présumées représentatives. Mais certains employeurs ont prétendu que cette présomption était simple, c’est-à-dire susceptible de preuve contraire. La Cour de cassation, sans doute irritée par un contentieux tatillon et générateur de complexité et d’insécurité, sanctionne cette démarche :
« à défaut de règle contraire dans la loi, la représentativité d’un syndicat affilié à une des confédération reconnues représentatives au plan national antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 ne [peut] être contestée. Il s’agit donc toujours d’une présomption irréfragable »
(communiqué de la Cour de cassation du 8 juillet 2009. Voir notamment l’arrêt n° 09-60031).
En revanche, la Cour décide que les nouvelles règles concernant les conditions de création de la section syndicale (avoir « plusieurs adhérents », article L.2142-1) sont d’application immédiate.
2. La création de la section syndicale
Trois précisions très importantes sont apportées : sur le nombre d’adhérents, le terme « plusieurs » s’entend à partir de deux, certains employeurs ayant essayé de mettre en opposition deux et plusieurs ! (arrêt 08-60599, Véolia Transports Bordeaux) ; la création de la section n’a pas à être antérieure à la nomination du délégué syndical (ou des représentants de la section syndicale) ; les conditions de son existence s’apprécient au moment de la désignation (même arrêt) ; la présence du syndicat « dans le champ géographique et professionnel » de l’entreprise (ou de l’établissement) ne suppose pas que celui-ci ait des adhérents dans tous les établissements de l’entreprise (ou dans tous les sites de l’établissement) ; il lui suffit d’en avoir deux en tout à condition que les statuts de l’organisation qui désigne couvrent bien le champ dans lequel est opérée cette désignation (arrêt 09-60048).
3. Liste d’adhérents et liberté syndicale
Le point le plus novateur concerne la protection de la liberté syndicale face à des employeurs exigeant la communication de la liste des adhérents en cas de contestation sur leur nombre.
La Cour de cassation prend une position ferme et impose un aménagement « du principe du contradictoire » pour que la liberté syndicale demeure effective :
« Attendu que l’adhésion du salarié à un syndicat relève de sa vie personnelle et ne peut être divulguée sans son accord ; qu’à défaut d’un tel accord, le syndicat qui entend créer ou démontrer l’existence d’une section syndicale dans une entreprise, alors que sa présence y est contestée ne peut produire ou être contraint de produire une liste nominative de ses adhérents ; Et attendu que l’article L. 2142-1 du code du travail exige, pour la constitution d’une section syndicale, la présence d’au moins deux adhérents dans l’entreprise ; Qu’il en résulte qu’en cas de contestation sur l’existence d’une section syndicale, le syndicat doit apporter les éléments de preuve utiles à établir la présence d’au moins deux adhérents dans l’entreprise, dans le respect du contradictoire, à l’exclusion des éléments susceptibles de permettre l’identification des adhérents du syndicat, dont seul le juge peut prendre connaissance ; Attendu que pour annuler la désignation de M. X… en qualité de délégué syndical, le tribunal énonce qu’il convient de tirer toutes les conséquences de droit du refus de la fédération CGT, qui n’apporte au demeurant pas la preuve du risque de représailles au détriment de ses adhérents au sein de l’entreprise Okaidi, d’en communiquer contradictoirement la liste afin d’établir l’existence d’une section syndicale au moins en cours de formation dans l’entreprise Okaidi ; Qu’en statuant comme il l’a fait, le tribunal d’instance a violé les textes susvisés. »
Cette position va bien au-delà de la jurisprudence antérieure à 1997 qui soumettait « l’entrave au principe du contradictoire » à un risque avéré de représailles.
Outre la portée de principe de la place prépondérante ainsi donnée à la liberté syndicale, elle a une grande conséquence pratique : en effet, les effectifs sont un des sept critères cumulatifs de représentativité et le contentieux sur l’appréciation de ces effectifs ne manquera pas d’être soulevé, même après un résultat électoral confirmant l’influence d’un syndicat.
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